Le constat est sans équivoque: l’économie informelle, «au sens large», demeure un phénomène persistant et préoccupant, pesant jusqu’à 30% du PIB, selon les dernières données de Bank Al-Maghrib (BAM). Les institutions nationales et internationales estiment, quant à elles, qu’entre 60% à 80% de la population active occupée au Maroc exercent une activité informelle, regrette le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis consulté par Le360 et qui devrait être discuté ce lundi 13 décembre 2021, à la Chambre des conseillers.
Si l’informel au Maroc génère de l’activité économique, des revenus, crée des emplois et assure une offre de biens et services à des prix adaptés au pouvoir d’achat des catégories à revenu modeste, le CESE constate une certaine «tolérance» vis-à-vis de ce phénomène qui a participé au développement d’un écosystème particulièrement vulnérable.
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De surcroît, certains acteurs recourent à des pratiques frauduleuses, souterraines voire illicites, qui menacent les principes de l’Etat de droit et génèrent des effets négatifs aussi bien sur les acteurs informels eux-mêmes que sur la collectivité, rapporte le Conseil.
En effet, malgré les nombreux programmes lancés par les pouvoirs public favorisant l’intégration du secteur informel, le CESE relève que les impacts des actions entreprises demeurent limités et ce, pour plusieurs raisons: le niveau de qualification insuffisant qui exclut de nombreux actifs de l’économie formelle, le système de protection social encore, à ce jour, faiblement inclusif, les problèmes de représentation des opérateurs informels, les entraves réglementaires à la formalisation et le difficile accès au financement et au marché.
Pour faire face à ce phénomène, le CESE propose une batterie de mesures afin de contrer les effets négatifs de l’informel sur l’écosystème national à commencer par la suppression des barrières réglementaires et administratives, en procédant à la refonte des textes obsolètes ou inapplicables qui entravent la formalisation. Il est dans ce sens proposer d’améliorer l’attractivité du statut de l’auto-entrepreneur en élevant le seuil de chiffre d’affaires annuel maximal et en autorisant le recrutement d’un maximum de 2 ou 3 salariés.
L'institution d’Ahmed Réda Chami suggère également de prévoir des zones d’activités économiques et des zones industrielles offrant des locaux aménagés, en mode location, avec un loyer et des superficies adaptés aux besoins des micro-unités.
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Le CESE appelle par ailleurs à adapter, diversifier et faciliter l’accès aux moyens de financement, notamment en élargissant la liste des objectifs visés par le Fonds Mohammed VI pour l'investissement, à celui du financement du processus d’intégration de l’économie informelle et en proposant des offres de financement à des conditions plus avantageuses au profit des jeunes et femmes souhaitant passer au formel. «Il convient pour cela de capitaliser sur les dispositifs existants tels que Intilaka et/ou concevoir, le cas échéant, de nouveaux instruments», précise le rapport.
Dans le même sens, le CESE propose de renforcer l’offre d’accompagnement en conseil et assistance en offrant des prestations adaptées pour l’orientation des différents entrepreneurs informels souhaitant initier leur intégration et en garantissant un accompagnement de bout en bout pour les entrepreneurs souhaitant migrer vers le statut de SARL.
Il est également question de mettre en place une bourse de la co-traitance pour encourager les soumissions groupées des auto-entrepreneurs et micro-entreprises aux marchés publics et distinguer, au niveau de la commande publique, la part minimale de marchés à dédier aux auto-entrepreneurs et aux coopératives de celle accordée aux PME.
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Sur le volet fiscal, le Conseil demande à réviser le mécanisme de la contribution professionnelle unique (CPU) et des droits complémentaires d’accès à la protection sociale de façon à indexer directement la cotisation à la capacité de paiement de chacun.
En parallèle, le CESE recommande de renforcer la maîtrise de la traçabilité des transactions commerciales à travers la facturation électronique et la centralisation de la numérotation des factures en y intégrant l’ICE-client pour les cas applicables, tout en œuvrant pour une interconnexion plus poussée entre les bases de données des services des douanes, des impôts, de la CNSS et de l’office des changes, pour une détection efficace des sous-déclarations de marchandises, de chiffre d’affaires et de salariés.
Finalement, le CESE note qu’une opérationnalisation efficace de la stratégie intégrée de résorption de l’informel requiert, la mise en place d’une commission de suivi et d’évaluation. «Cette commission jouera le rôle d’une “delivery unit”. Sous la supervision du Chef du gouvernement, elle comportera des membres issus de l’administration centrale, des territoires, du secteur privé, des associations professionnelles et de représentants des salariés», explique le CESE.