Le racisme d’État du régime algérien exacerbe la crise avec le Niger

Abdourahamane Tiani, président du Niger, et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.

Entre le Niger et l’Algérie, les relations vont de mal en pis. Le mercredi 3 avril, l’ambassadeur algérien à Niamey a été convoqué au ministère nigérien des Affaires étrangères. Il lui a été notifié, et de vive voix, les protestations des «hautes autorités nigériennes» contre les refoulements récents et massifs, dans des conditions inhumaines, de migrants nigériens établis dans la ville de Tamanrasset, à l’extrême sud-est algérien.

Le 05/04/2024 à 13h16

La crise diplomatique qui prévaut depuis plusieurs mois entre l’Algérie et le Niger a pris une nouvelle ampleur ces dernières 48 heures. Les autorités nigériennes ont convoqué l’ambassadeur algérien à Niamey, le mercredi 3 avril, pour protester contre les refoulements, dans des conditions inhumaines, de nombreux migrants nigériens, dépouillés de leurs biens et expulsés manu militari d’Algérie. Ces expulsions se sont multipliées depuis le début du ramadan, au rythme de centaines de Nigériens renvoyés chaque semaine, en plus de milliers de ressortissants d’autres pays d’Afrique subsaharienne, abandonnés à leur sort en plein désert à la frontière algéro-nigérienne, longue d’un millier de kilomètres.

Selon une dépêche de l’Agence nigérienne de presse (ANP), «c’est le secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’extérieur du Niger, Oumar Ibrahim Sidi, qui a porté les mots de protestation du Niger auprès de l’ambassadeur d’Algérie au Niger, ce mercredi 3 avril 2024».

Respecter la dignité et l’intégrité physique des migrants

Après avoir dénoncé les rafles policières ciblant les ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne en général, et les Nigériens en particulier, Oumar Ibrahim Sidi a transmis à l’ambassadeur algérien, Bekhadda Mehdi, «les protestations du gouvernement et des plus hautes autorités nigériennes contre le caractère violent du mode opératoire utilisé par les services de sécurité algériens pour mener ces opérations».

Sans contester le droit de l’Algérie de renvoyer chez eux les migrants irréguliers, le Niger exige toutefois que ces opérations se déroulent «dans le respect de la dignité, de l’intégrité physique et morale des ressortissants nigériens et que (soit assurée) la protection de leurs biens par les autorités algériennes compétentes». L’armée algérienne a en effet la sale réputation de dépouiller de leurs menus biens (comme les téléphones portables) et de leur argent les migrants subsahariens.

C’est dans le même cadre qu’Oumar Ibrahim Sidi a également reçu, jeudi 4 avril, la chargée d’affaires par intérim de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Nicoletta Giordano, à laquelle il a demandé de «mettre en place des dispositifs lui permettant d’identifier depuis l’Algérie les nationalités réelles des migrants, afin que ces derniers soient acheminés directement dans leurs pays d’origine». Ce qui signifie que les autorités nigériennes auraient exigé de l’Algérie de ne plus expulser vers le Niger des ressortissants d’autres nationalités.

Un défi humanitaire, financier et sécuritaire

Il est clair, à travers ces agissements, que faute de pouvoir circonscrire la crise avec ses voisins sahéliens (Mali et Niger), le régime algérien veut jouer la carte du chantage, en obligeant le Niger, malgré ses faibles moyens, à supporter seul le lourd fardeau de dizaines de milliers de migrants expulsés qui constituent un véritable défi humanitaire, financier et sécuritaire.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et son entourage, qui s’emmurent jusqu’ici dans un silence assourdissant face à la nouvelle colère du gouvernement nigérien, ne s’émeuvent pas d’emboîter le pas aux partis d’extrême droite européens, lançant ainsi une campagne électorale prématurée et raciste, en prévision de la présidentielle anticipée du 7 septembre 2024.

En initiant sciemment cette nouvelle crise avec le Niger, Tebboune remet au goût du jour le populisme des dirigeants algériens, qui n’ont jamais hésité, par le passé, à jeter l’opprobre sur les migrants subsahariens présentés comme étant la source de tous les maux socio-économiques auxquels sont confrontés en permanence les Algériens, dont le pays regorge pourtant de pétrole et gaz naturel, drainant des revenus siphonnés à tour de bras par la mafia des généraux au pouvoir.

Déclarations racistes et populistes

Ahmed Ouyahya n’avait-il pas soulevé un tollé mondial en juillet 2017, suite à des déclarations racistes qui lui ont valu de retrouver immédiatement son fauteuil de Premier ministre, suite au limogeage express de Tebboune, qui n’a passé que 3 mois à la primature (du 24 mai au 15 août 2017)?

«Les étrangers en séjour irrégulier en Algérie amènent le crime, la drogue et plusieurs autres fléaux», avait en effet déclaré Ouyahya, avant d’être soutenu par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel. Ce dernier avait affirmé à son tour que les migrants portaient atteinte à «la souveraineté nationale et la sécurité» de l’Algérie, qui n’a «de leçons à recevoir de personne, ni des ONG nationales ou internationales, ni des partis politiques».

En décembre 2016, le conseiller de Bouteflika, Farouk Ksentini, également président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, avait affirmé que la présence de migrants subsahariens en Algérie expose le pays «au risque de la propagation du sida ainsi que d’autres maladies sexuellement transmissibles».

Cette nouvelle crise algéro-nigérienne, sur fond de renvoi de milliers de migrants nigériens, intervient cinq jours seulement après que Tebboune a prétendu, dans ses déclarations à la télévision publique algérienne, que depuis son indépendance, son pays a tout donné au Mali et au Niger, mais qu’en contrepartie, ces deux États ont fini par se rebeller contre leur voisin du Nord, en se jetant dans les bras des Émirats arabes unis.

Avec cette énième convocation d’un ambassadeur algérien, l’Algérie en crise avec nombre de pays de son voisinage (Maroc, Espagne, Mali, Niger), et des pays lointains comme les Émirats arabes unis et la RDC, soigne davantage son statut de paria et accentue son isolement.

Par Mohammed Ould Boah
Le 05/04/2024 à 13h16