Victime des amputations territoriales coloniales, le Maroc n’a jamais eu de position maximaliste concernant cette question. Tout au contraire, sa constante fut toujours de tenter de régler ses différends frontaliers l’opposant à son voisin oriental par la négociation. Si ces dernières échouèrent, ce fut comme l’a joliment écrit Mohamed Maazouzi, parce que:
«(…) obnubilés par le mirage de l’Atlantique, (…) (les responsables algériens) veulent que l’Algérie soit à la fois saharienne, méditerranéenne et atlantique, conditions indispensables, pensent-ils, pour atteindre un certain degré de puissance et se poser en « maître de l’heure » en Afrique. Pour cela, Tindouf se présente à leurs yeux comme le point d’appui à partir duquel tout peut être permis (…)», («Tindouf et les frontières méridionales du Maroc», de Mohamed Maazouzi, éd. Dar Al-Kitab, 1976, p.137).
Les deux pays ont pourtant conclu plusieurs accords, en 1961, en 1967 et en 1972.
Le 6 juillet 1961 à Rabat un accord fut signé par le président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), à savoir Ferhat Abbas, et le roi Hassan II. Un accord stipulant que les problèmes frontaliers existant entre les deux pays seraient résolus par la négociation dès que l’Algérie aurait acquis son indépendance.
Effectivement indépendante au mois de juillet 1962, l’Algérie oublia ses engagements de 1961. Le 15 octobre 1963, une commission mixte se réunit cependant à Oujda, sans résultat. Aussi, comme il l’écrivit en 1976 dans son livre «Le Défi», le roi Hassan II fit donc remarquer au président Ben Bella:
«M. le Président, il y a quand même Tindouf, vous ne pouvez vraiment pas méconnaître que Tindouf est certainement parmi toutes les injustices la plus flagrante et la plus patente». (p. 90).
Rapportée par le roi du Maroc, la réponse du président Ben Bella fut alors la suivante:
«Je demande à Votre Majesté de me laisser le temps de mettre en place les institutions algériennes, de devenir chef de l’État algérien, de prendre en main le parti de l’opposition et, alors, vers le mois de septembre-octobre, j’aurai la plénitude et la qualité qui me permettra d’ouvrir avec vous ce dossier des frontières, étant bien entendu qu’il ne saurait être question pour les Algériens d’être purement et simplement les héritiers de la France en ce qui concerne les frontières de l’Algérie» (p. 90).
Le roi Hassan II écrit ensuite, page 91:
«J’eus le tort de le croire, car c’est précisément en octobre 1963 que de petites garnisons marocaines furent attaquées et anéanties à Hassi Beïda et Tinjoub».
En 1967 fut néanmoins signé l’accord d’Ifrane, destiné à mettre fin au différend frontalier. Puis, le 27 mai 1970, se tint la rencontre de Tlemcen lors de laquelle le roi Hassan II et le président Boumediène évoquèrent l’exploitation commune des mines de Gara Djebilet et décidèrent la création d’une commission mixte destinée à régler le problème des frontières («Le Défi» ,1976 p.92).
Lors du sommet africain de Rabat, le 15 juillet 1972, fut enfin signé un accord qui aurait pu permettre de dépasser le problème frontalier en instaurant une coopération régionale et l’exploitation commune de Gara Djebilet, avec un port et une voie ferrée. Mais le 16 novembre 1977, le roi Hassan II annonça que l’Accord de frontières et de coopération algéro-marocain de 1972 ne serait pas ratifié par le Maroc, l’Algérie ayant refusé de restituer à ce dernier une bande de 40 kilomètres dans la région de Tindouf. Une demande qui devait mettre un terme aux revendications marocaines.
De plus, cet accord sous-entendait l’appui algérien donné au Maroc dans la récupération du Sahara occidental, or, ce fut tout au contraire une opération anti-marocaine qui fut lancée par Alger.