«Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été»... Au milieu de cette nuit cauchemardesque, de laquelle nous, les Marocains, ne sommes pas encore sortis depuis le 8 septembre, c’est cette si belle et puissante phrase d’Albert Camus qui traduit assurément le mieux l’espoir et la force qui animent les Marocains.
Des drames, nous en avons vécu tous ensemble, et dans les grands malheurs, comme lors de la mort du petit Rayane tombé dans un puits, nous avons trouvé la force de faire bloc dans la solidarité, la foi et l’amour que nous portons à notre pays.
Aujourd’hui, le malheur a de nouveau frappé à notre porte. Les victimes se comptent par milliers. Mais un malheur n’arrivant jamais seul, précise un funeste adage, il se fait que les très nombreuses familles touchées par le séisme étaient déjà frappées du sceau de la pauvreté. Elles n’avaient presque rien, elles ont aujourd’hui perdu non seulement le peu qu’elles avaient, mais aussi, encore pire, ceux qui leur étaient chers.
Les images qui circulent sont bouleversantes, et chez nous qui avons eu la chance de ne ressentir que quelques secousses sans autres dégâts, le sentiment de culpabilité s’invite sans crier gare. Nous avons vécu une même catastrophe naturelle, mais nos lendemains n’ont pas été les mêmes. Nous avons la chance de dormir sous un toit encore solide, dans notre lit, à côté de nos proches, quand nos concitoyens, eux, ont basculé dans l’horreur.
Que faire de ce sentiment d’impuissance qui nous gagne à chaque minute? Assurément en étant dans l’action et en aidant, par tous les moyens possibles. En se tenant prêt à répondre à tous les appels qui nous sont et seront lancés: dons de sang, de vêtements, de couvertures, de vivres et bien sûr, pour ceux qui le peuvent, d’argent.
Il est impératif que ces villages, qui pour certains ont quasiment été rayés de la carte, soient reconstruits avant l’hiver, que les populations soient relogées. On ne sait que trop bien à quel point ces populations souffrent de l’enclavement de leurs villages, à quel point l’arrivée de l’hiver est une épreuve terrible que peinent chaque année à surmonter ces villageois… Le Maroc joue aujourd’hui une véritable course contre la montre, pour sauver les victimes encore enfouies sous les décombres, mais aussi pour reconstruire une partie du pays en un temps record.
Ce terrible drame qui nous frappe a, somme toute, remis quelques pendules à l’heure, celles du monde rural, en rétablissant certaines vérités et priorités. Nous ne sommes pas tous égaux dans notre course au développement et à la modernité.
Loin de la ligne d’arrivée, il y a ceux qui sont encore à la traîne et ne vivent pas sur le même fuseau horaire que nous, voire pas dans le même monde du tout. On sait qu’ils sont là, mais dans un monde parallèle. Ils sont le Maroc profond, authentique, immuable… Ils incarnent encore ces valeurs dont on est si fiers et qui font notre identité: la gentillesse, la générosité, l’hospitalité… Ils sont cette carte postale si belle du Maroc que tout le monde aime et vers lequel volent depuis quelques jours tant de messages de soutien.
Pourtant, une fois que les dernières victimes auront été retrouvées, une fois que les ruines auront été déblayées, que les larmes auront été essuyées, il faudra alors refaire du désenclavement une priorité, car au milieu de ce drame, le dénuement, le manque de tout, l’absence d’infrastructures se sont aussi dévoilés dans toute leur horreur. A en croire les scientifiques, des catastrophes naturelles, nous serons malheureusement amenés à en vivre de plus en plus. Il est donc impératif, aujourd’hui plus qu’hier et moins que demain, de réfléchir la protection de notre société dans son intégralité, ne serait-ce qu’en termes de normes d’habitation et d’infrastructures de base.