Depuis la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc qu’elle a décidée unilatéralement le 24 août 2022, l’Algérie semble irrémédiablement s’enfoncer dans ce qu’il m’est déjà arrivé de qualifier d’enclavement diplomatique.
Un enclavement non pas subi en raison d’un changement stratégique majeur dans la région, mais volontaire, à l’image de la servitude dans le célèbre «Discours de la servitude volontaire» d’Étienne de La Boétie.
Dans un environnement mondial de plus en plus incertain et a fortiori dans la région chroniquement instable du Sahel, un pays qui se respecte cherche avant tout à se rapprocher de ses voisins et à forger des alliances, en vue de garantir sa sécurité et amplifier ses facteurs de puissance.
C’est par exemple le cas du Maroc, dont le renforcement des relations avec l’Espagne a abouti à une co-organisation de la Coupe du monde 2030 de football, avec le Portugal. Sans parler de la coopération énergétique et de plusieurs autres projets futurs comme ceux visant à relier les deux rives du détroit de Gibraltar.
À l’ouest, au-delà de l’Atlantique, le développement des relations avec les États-Unis et l’Amérique latine offre au Maroc des potentialités économiques quasi illimitées.
Au sud, le dernier discours de Sa Majesté prononcé à l’occasion de la commémoration de la Marche verte ouvre la voie non seulement à une mise à niveau de notre littoral atlantique, mais aussi à une intégration continentale plus poussée à travers la proposition visant à permettre aux pays du Sahel d’accéder à l’Atlantique via l’infrastructure marocaine. Quant à l’est, le Maroc renforce jour après jour ses partenariats avec les pays arabes, à l’instar du récent partenariat sans précédent signé avec les Émirats arabes unis.
Pendant ce temps, on imagine que l’Algérie a dû faire des pieds et des mains pour développer son influence diplomatique et économique dans la région et dans le monde, pour contrebalancer l’émergence fulgurante du Maroc.
Que nenni!
Alger a quand même une réputation à préserver. Celle d’être le principal facteur de parasitage diplomatique et d’instabilité dans la région.
Pendant que le Maroc renforçait sa souveraineté et étendait ses partenariats dans la région et à l’international, Alger a décidé d’emprunter une autre voie:
- Aller stérilement ramper à Moscou devant Poutine en bafouillant quelques poncifs.
- Imposer un quasi-protectorat éphémère à un voisin tunisien agonisant.
- Perdre pied au Sahel à travers des ingérences diplomatiques au Mali, qui mèneront très probablement à une rupture diplomatique avec Bamako, et par extension avec Niamey et Ouagadougou.
- Créer une crise diplomatique avec Paris.
- Et comme on s’y attend, accuser le Maroc de tout cela.
Un programme sacrément chargé pour un président élu sur la base de promesses électorales qui visaient à la base à répondre aux attentes du Hirak. Autrement dit, la prospérité économique, l’ouverture du système politique et une répartition équitable des richesses.
Qu’est-ce que les Algériens ont eu à la place? Un enclavement diplomatique presque total, une dégradation du niveau de vie, des purges politiques pour renforcer le clan actuellement au pouvoir.
Par conséquent, non seulement, les ingrédients d’un nouveau Hirak algérien sont déjà réunis, mais ces derniers risquent également d’amplifier la dynamique de frustration et de colère, en raison de la perte de légitimité définitive de toute la classe politico-militaire dans le pays. Cette fois, les changements qui vont être réclamés risquent d’être radicaux et non négociables.
Cela laisse-t-il présager un futur Hirak? Probablement oui. Cependant, la seule variable qui retarde la marche de l’histoire en Algérie, c’est la capacité du régime à extérioriser les contradictions internes, par la désignation d’un ennemi fictif: le Maroc.
La recette est certes ancienne et bien rodée, mais comme tous les artifices des pouvoirs sans vision stratégique et sans soucis de leurs peuples, ce stratagème finira par épuiser ses ressources. C’est l’éternel retour du réel face auquel on ne peut qu’acheter du temps. Mais à quel prix? Celui du sacrifice du bien-être et des intérêts de toute une génération d’Algériens, victimes de l’aventurisme et du népotisme de leurs élites.