Ce qui devait être une tribune contre le Maroc s’est finalement transformé en cuisant échec pour l’Algérie et son commissaire sortant, Smaïl Chergui. Mardi 9 mars 2021, s’est tenue par visioconférence une réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union Africaine (UA) au niveau des chefs d’Etats et de gouvernements. La veille de cette réunion, le président algérien Abdelmadjib Tebboune s’est entretenu par téléphone avec Uhuru Kenyatta, président du Kenya, et Cyril Ramaphosa, président de l’Afrique du Sud. Au menu de ces discussions, «les principales questions inscrites à l'ordre du jour de l'Union africaine (UA) notamment la réunion du Conseil de paix et de sécurité qui se tiendra mardi 9 mars 2021», écrit l’agence de presse algérienne APS.
Il convient de rappeler que le Kenya préside ce mois-ci le CPS et que le président sud-africain est acquis aux thèses d’Alger. Tebboune a donc voulu peser de tout son poids sur le déroulement de cette réunion qu’il espérait aboutir sur un communiqué avec des éléments de langage hostiles au Maroc.
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Le Royaume du Maroc a décidé de ne pas participer à cette réunion qui cristallise les anciennes méthodes, en fin de vie, où les manœuvres et les agendas empêchaient l’institution africaine de faire face aux vrais enjeux du continent. Le360 a ainsi appris que le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a adressé une lettre à son homologue kenyan pour lui présenter les arguments qui ont poussé le Maroc à ne pas prendre part à cette réunion, qualifiée par un diplomate de «mascarade».
Le Maroc n’est pas l’unique pays africain à être lassé par les manœuvres d’Alger et de son homme de main à l'UA, Smaïl Chergui. En effet, seulement quatre chefs d’Etat sur quinze ont pris part à cette réunion. Il y avait évidemment le président Tebboune, le président d’Afrique du Sud, le président du Kenya et le président du Mozambique. Les onze autre chefs d’Etats et de gouvernements, qui composent le CPS, n’ont pas pris part à cette réunion. Ce qui est une première dans les annales d’un sommet de l’UA.
Des pays ont même été irrités par le timing de cette réunion. Il faut savoir que le dernier jour de Smaïl Chergui à l’UA, en tant que commissaire, est le vendredi 12 mars. Comment se fait-il qu’une réunion, supposée rassembler des chefs d’Etats, puisse se dérouler dans le temps mort d’un commissaire qui a déjà fait ses cartons et ne pas attendre le prochain commissaire élu à la tête du CPS, le Nigérian Bankole Adeoye, qui commence ses fonctions le lundi 15 mars?
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Les partisans des manœuvres ne croient pas à la continuité de la fonction dans l’institution. Ils savent que c’est avec Chergui qu’ils peuvent mettre en œuvre l’agenda hostile au Maroc. D’où le forcing pour tenir cette réunion, même si son timing a fait grincer des dents et n’est pas courtois envers le successeur de l’Algérien.
Cela étant, ce qui devait constituer un coup dur pour le Maroc a tourné au désaveu et au camouflet pour Chergui et son président, témoin d'une humiliation inédite. Le commissaire algérien a été sévèrement recadré par le président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat.
Le360 a appris que Faki a reproché, au cours de cette réunion, à Chergui de travailler sans le consulter, allant jusqu'à violer le règlement intérieur de l'UA. Avec des termes sans équivoques, le président de la commission africaine s'est insurgé contre les méthodes de Chergui. Il lui a rappelé que l'ordre du jour d'une réunion devrait être soumis au président de la Commission qui est le seul habilité à le valider. Faki a affirmé que Chergui a établi l'ordre du jour de la réunion sans en référer au président de la Commission de l'UA. Ce qui constitue une «violation des règles et des procédures».
Moussa Faki Mahamat a même dit: «il faut que cette manoeuvre de Chergui s'arrête!». Et d'ajouter: «ce n'est pas loyal! Ce n'est pas légal!». Le triomphe auquel était supposé assister le président Abdelmadjid Tebboune a finalement tourné à la dénonciation des méthodes de voyou, indignes d'un diplomate, de son concitoyen, Smaïl Chergui.
En même temps que Tebboune assistait au recadrage sévère de son concitoyen, des centaines de milliers d’étudiants et de citoyens algériens marchaient à Alger, en criant: «Tebboune l’usurpateur a été placé par les militaires!». C’en était certainement trop pour ses oreilles.
Du reste, les conclusions sont allées dans le sens de la décision 693 du sommet de l’UA à Nouakchott, qui confirme l’exclusivité du Conseil de sécurité, comme cadre de discussion du conflit du Sahara.
Il y a deux preuves de l’échec des manœuvres d’Alger et de ses alliés. L’APS, cette fabrique de fake news, a publié une dépêche où elle parle de plusieurs mesures qui auraient été prises lors de cette réunion. L’APS précise dans ce sens que «les deux parties au conflit ont été appelées à un retour rapide à la table de négociations en vue de la cristallisation d'une solution politique et pacifique sur la base des dispositions de l'article 4 de l'Acte constitutif de l'UA. Il a été souligné, à ce propos, que la décolonisation du Sahara occidental doit être envisagée en permettant au peuple sahraoui d'exercer son droit inaliénable à l'autodétermination et à l'indépendance».
Smail Chergui a pour sa part posté ce qui est, sans doute, le tweet le plus difficile de sa carrière.
Dans ce post, le CPS appelle à un cessez-le-feu, reconnaît la primauté de la troïka dans le règlement du différend, appelle à supporter les efforts des Nations Unies et exhorte le secrétaire général de l’ONU à nommer un envoyé spécial au Sahara. Nous sommes loin, très loin de la teneur de la dépêche de l’APS.
Que Smaïl Chergui en vienne à contredire les dires de l'agence officielle de son pays, cela en dit long sur la confusion et la débandade d’Alger.
A la publication de ces lignes, aucun communiqué officiel n’a été publié suite à la réunion du CPS. L’absence de ce communiqué est un indice supplémentaire de l’échec des partisans des manœuvres. La réunion du mardi apporte la preuve que l’Afrique de la sagacité, de la sérénité et de l’unité prévaut, face aux manœuvres et aux tentatives de division. La légalité a primé sur les manœuvres malgré le rassemblement, à l’arrachée, de tous les adversaires du Maroc dans une seule réunion.