Lamamra, MAE algérien en 2015, n’avait pas réagi à l’appel du Maroc en faveur de l’autodétermination de la Kabylie

Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères/

Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères/ . DR

En octobre 2015, alors qu’il était chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra n’avait pas pipé mot quand les diplomates marocains ont soutenu, à l’ONU, le droit de la Kabylie à l’autodétermination. Ce qui montre le caractère fallacieux des prétextes qu’il avance aujourd’hui.

Le 04/09/2021 à 13h49

Avec une célérité troublante, soit quelques semaines seulement après son retour à la tête de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra a annoncé, en guise de baptême du feu, la rupture des relations diplomatiques de son pays avec le Maroc.

De tout l’argumentaire fallacieux et absurde avancé le 24 août 2021 par le ministre algérien des Affaires étrangères, afin de justifier la décision unilatérale de rompre les relations diplomatiques de son pays avec le Royaume, la référence à l’autodétermination de la Kabylie, soulevée par un diplomate marocain, a été érigée en point prépondérant. 

Ainsi, le simple fait pour l’ambassadeur permanent du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, d’invoquer, le 16 juillet dernier, le «droit à l’autodétermination du vaillant peuple kabyle», devant les pays du Mouvement des non-alignés, qui étaient réunis par visioconférence, a été démesurément gonflé par le chef de la diplomatie algérienne. Il convient de rappeler que l’évocation de la Kabylie par l’ambassadeur marocain est une réaction à la provocation de Ramtane Lamamra qui avait appelé dans cette même conférence à «l'autodétermination du peuple de la république sahraouie» et à «la décolonisation du Sahara occidental,» alors que la thématique de la réunion portait sur les «efforts multilatéraux pour répondre aux défis mondiaux». Un hors-sujet qui montre le degré de l’agressivité du régime algérien contre l’intégrité territoriale du Royaume.

En qualifiant, le 24 août, la démarche d’Omar Hilale de «dérive particulièrement dangereuse et irresponsable» et de «provocation qui a atteint son paroxysme», Lamamra a tout simplement fait preuve d’une amnésie surprenante. En effet, ce n’était pas la première fois, ni la dernière, qu’un diplomate marocain évoquait l’autodétermination de la Kabylie.

C’est ainsi que le 27 octobre 2015, et alors même que Lamamra était ministre des Affaires étrangères d’Abdelaziz Bouteflika depuis deux ans, les diplomates marocains, membres de la mission permanente du Royaume aux Nations Unies, ont fermement défendu à l’Assemblée générale de l’ONU, «les droits légitimes du peuple kabyle à l’autodétermination».

Abderrazzak Laassel, à l’époque n° 2 de la mission permanente du Maroc à l’ONU, avait soutenu l’autodétermination de la Kabylie, lors de la célébration du 70e anniversaire des Nations Unies.

En réponse à un diplomate algérien qui avait soulevé un prétendu «droit à l’autodétermination du peuple sahraoui», Abderrazzak Laassel avait rétorqué qu’«il est regrettable d’entendre certains s’élever pour demander l’application de tel ou tel droit, alors qu’ils privent leurs propres populations de ces mêmes droits… Les aspirations légitimes du peuple autochtone de la Kabylie sont bafouées au XXIe siècle, ses droits humains sont violés au quotidien. Ce peuple de 8 millions de personnes doit lui aussi jouir de son droit à l’autonomie et à la reconnaissance de son identité culturelle et linguistique».

Après la récidive du délégué algérien à l’ONU lors de la même réunion, où il parla d’«une tentative de diversion de Rabat qui ne saurait nous détourner du véritable problème, celui de l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental», un autre diplomate, Omar Rabi, membre de la représentation marocaine à New York, le remit à sa place. Il lui répondit devant les quelque 200 délégations représentant l’ensemble de la communauté internationale que cette dernière doit s’atteler «à faire émerger les voix de plus de huit millions de Kabyles trop longtemps maintenus dans le silence et dans l’invisibilité. C’est ainsi que s’effondrera le mur de l’intolérance à leur égard et du déni de leurs aspirations légitimes».

Suite à ces positions marocaines, exprimées il y a six ans devant l’Assemblée générale de l’ONU, un aréopage autrement plus important que celui du Mouvement des non-alignés, le régime algérien et son MAE de l’époque, qui n’est autre que Lamamra, n’ont pas réagi. Et alors même que ces déclarations devant l’ONU ont fait les choux gras des réseaux sociaux dans les deux pays maghrébins voisins, la presse officielle algérienne a été unanime à n’en pas dire un seul mot.

Alors pourquoi Lamamra crie-t-il aujourd’hui au scandale? Pourquoi n’a-t-il pas rappelé l’ambassadeur d’Algérie au Maroc en 2015 et appelé le Royaume à fournir des explications? Qu’est-ce qui a changé depuis?

Tout simplement parce que le régime algérien cherche des arguments à une décision prise, en vue de détourner l’attention des Algériens de l’incompétence d’un régime qui a enfoncé le pays dans une crise extrêmement complexe. Dans la série des expédients invoqués par Lamamra, allant de la falsification de l’Histoire à des accusations qui font rire sous cape le monde entier, comme mettre le feux aux forêts ou commanditer le meurtre abject de Djamel Bensmaïl, il n’y avait que le soutien à l’autodétermination de la Kabylie qui était un tant soit peu recevable. Lamamra l’a mis à toutes les sauces… Mais il a oublié de dire qu’il a préféré avaler des couleuvres en 2015 quand le Maroc a mis le régime algérien devant ses propres incohérences à l’Assemblé générale de l’ONU.

Tout cela signifie clairement que le «prétexte kabyle» n’est rien d’autre qu’un expédient parmi tant d’autres arguments fallacieux avancés par le pyromane Lamamra pour justifier la rupture des relations maroco-algériennes. Il n’a fait qu’exécuter une décision, prise par les généraux, dépassés, qui ne savent plus comment rattraper le Maroc.

Par Mohammed Ould Boah
Le 04/09/2021 à 13h49