C’est dans un lieu chargé d’histoire, au musée Dar Al Ittihad (Maison de l’Union) que le secrétaire général de l’UMT a accepté de nous recevoir pour l’enregistrement de l’émission Grand Format-Le360. Entouré d’archives précieuses, de photos et de documents rares retraçant l’histoire du mouvement syndical marocain, Miloudi Moukharik s’est confié à cœur ouvert, livrant son regard sur les grands dossiers sociaux de l’heure.
Fait exceptionnel dans ce type d’exercice: à aucun moment, le SG de l’UMT n’a souhaité connaître à l’avance les axes ou les questions de l’émission.
Interrogé au sujet du mouvement de contestation ayant visé récemment l’hôpital régional d’Agadir, Moukharik en attribue la responsabilité au «manque d’écoute de la part du gouvernement et de certains responsables ministériels».
«Depuis plusieurs années, rappelle-t-il, nos représentants syndicaux alertent les pouvoirs publics sur les nombreuses insuffisances dont souffre cet établissement, tant en matière d’équipements que de ressources humaines.»
Et de poursuivre: «Qu’il s’agisse de l’actuel ministre ou de son prédécesseur, aucun n’a malheureusement accordé l’attention nécessaire à ces problèmes (…). Ce ne sont pas les visites de terrain à visée médiatique qui vont résoudre la situation, mais bien des décisions audacieuses en faveur de la mise à niveau de l’hôpital public.»
Évoquant l’entrée en vigueur, ce mercredi 24 septembre, de la nouvelle loi organique relative au droit de grève, six mois après sa publication au Bulletin officiel, Moukharik rappelle la bataille acharnée menée par son syndicat contre ce texte. Il dénonce le comportement «inapproprié et irresponsable» du ministre chargé de l’Emploi, à l’origine des concertations autour de ce projet de loi.
«Dès le départ, nous avons senti qu’il s’agissait d’une consultation de pure forme, biaisée et sans réelle volonté d’écoute. Grâce à sa majorité numérique au sein du parlement, le ministre a imposé de force une loi qui constitue un recul manifeste d’un droit fondamental reconnu par l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’ONU.»
Et d’ajouter: «Nous avons été clairs avec lui: ce que nous demandons, c’est une loi équilibrée, qui protège les intérêts du monde du travail, salariés comme employeurs.»
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Moukharik reconnaît l’existence d’une véritable tension avec le ministre de l’Emploi. «Je refuse de serrer la main de celui qui est à l’origine d’une loi restrictive, qui entrave un droit humain fondamental, et qui livre les salariés à une exploitation sauvage de la part des employeurs. Lors de la séance du vote définitif à la Chambre des représentants, 391 députés étaient absents», déplore-t-il.
S’appuyant sur une citation de Montesquieu, le secrétaire général de l’UMT qualifie cette loi d’illégitime. «Le 24 septembre, date de son entrée en vigueur, restera un jour sombre pour le gouvernement et son ministre de l’Emploi», dit-t-il.
Et de poursuivre: «De toute manière, cette loi est inapplicable. En cas de grève, le ministre envisage-t-il sérieusement de licencier les 150.000 fonctionnaires des collectivités territoriales ou les 140.000 agents du secteur de la santé? Ce dont nous avons besoin, ce sont des lois réalistes et applicables.»
Concernant le dossier de la réforme des retraites, le leader de l’UMT a révélé que le gouvernement s’orienterait vers un relèvement de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, accompagné d’une hausse des cotisations et d’une réduction des pensions de l’ordre de 20%.
Miloudi Moukharik a également précisé la position de son syndicat, qui s’oppose fermement à toute approche «strictement comptable» susceptible de nuire aux intérêts des salariés, aussi bien ceux du secteur public que ceux du privé.
«Il s’agit d’un sujet de société majeur qui exige de larges concertations. Les salariés ne sauraient être sacrifiés sur l’autel de calculs électoralistes», a-t-il conclu.
Nous y reviendrons.