Mercredi 10 janvier, le Haut conseil de sécurité algérien a tenu une réunion en présence de tous ses membres, à savoir le président Abdelmadjid Tebboune et le chef d’état-major de l’armée, le général Saïd Chengriha, en plus du Premier ministre, des ministres des Affaires étrangères, des Finances et de l’Intérieur, ainsi que les généraux chefs des services de renseignement, le patron de la police et celui de la gendarmerie. Était également et anormalement présent Nasser El Jenn, un criminel de la décennie noire et actuel numéro 2 de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, renseignements intérieurs).
À l’issue de cette réunion, la présidence algérienne a commis l’un de ces communiqués laconiques dont elle a le secret. On y apprend que «le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, chef suprême des forces armées, ministre de la Défense nationale, a présidé, mercredi 10 janvier 2024, une réunion du Haut conseil de sécurité, consacrée à l’examen de la situation générale dans le pays et de la situation sécuritaire liée aux pays du voisinage et au Sahel». Avant d’enchaîner que «dans ce contexte, le Haut conseil de sécurité a exprimé ses regrets concernant les agissements hostiles à l’Algérie, émanant d’un pays arabe frère».
Si ce communiqué ne mentionne pas le nom de ce «pays arabe frère», sa référence à la situation dans le voisinage maghrébin et sahélien de l’Algérie indique clairement qu’il s’agit des Émirats arabes unis, régulièrement accusés de renforcer leurs relations avec les voisins de l’Algérie, en vue de la «déstabiliser».
Lire aussi : Nouvelle charge hystérique du régime algérien contre les Émirats arabes unis et le Maroc
Dans l’imaginaire du régime algérien, il y aurait un plan israélo-maroco-émirati visant tantôt à réveiller les manifestations du Hirak dans les principales villes du pays, tantôt à nuire aux relations de l’Algérie avec ses voisins maghrébins, sahéliens et même européens.
C’est cette manie à voir des ennemis partout qui a amené, le 21 juin dernier, certains généraux au sein des officines du renseignement algérien à livrer au site local de la chaîne Ennahar une information annonçant «l’expulsion imminente» de l’ambassadeur émirati à Alger, suite à «l’arrestation de quatre espions émiratis qui opéraient pour le compte du Mossad» israélien.
Cette affaire va créer un désordre fou au sein du régime algérien, obligeant le ministère des Affaires étrangères à publier, quelques petites heures plus tard, un démenti catégorique, dans lequel il met en exergue une prétendue «solidité des relations privilégiées algéro-émiraties établies entre les deux pays et peuples frères». Dans la foulée, le même ministère a rappelé aux médias locaux qu’il est «la seule source d’information» concernant les affaires diplomatiques, alors que le ministre de la Communication de l’époque, Mohamed Boslimani, a été renvoyé sans ménagement pour avoir repris cette information dans les médias officiels.
Lire aussi : La vraie-fausse expulsion de l’ambassadeur émirati en Algérie, une autre preuve d’un pays gouverné à hue et à dia
Mais c’est la désignation de plusieurs pays arabes et africains comme les Émirats, l’Égypte, l’Arabie Saoudite et l’Éthiopie, en tant que nouveaux membres des BRICS, et l’échec lamentable de l’Algérie à intégrer le club des pays émergents qui ont poussé Tebboune à se joindre ouvertement à la campagne virulente de ses généraux, tous interdits d’entrée aux Émirats, en vue d’accuser Abou Dabi d’avoir bloqué l’entrée de l’Algérie aux BRICS en activant un lobbying auprès de l’Inde et du Brésil,
Le 23 août 2023, le chef de file du parti El Bina, Abdelkader Bengrina, un proche du pouvoir au profit duquel il avait initié une campagne dite de «renforcement du front intérieur» face aux ennemis extérieurs, a été chargé par Tebboune d’accuser les Émirats d’inciter la Tunisie et la Mauritanie à rejoindre les Accords d’Abraham et à normaliser leurs relations avec Israël. Même l’opposante Louisa Hanoune, la patronne du Parti des travailleurs, récemment reçue à la Mouradia, a été sollicitée par le président algérien pour déclarer à la presse que les Émirats arabes unis font «remonter les pays frontaliers, dont la Tunisie et les pays du Sahel» contre l’Algérie.
À nouveau, et suite à la visite du roi Mohammed VI à Abou Dabi en décembre dernier, le régime algérien a colporté l’idée selon laquelle les Émirats cibleraient la détérioration des relations entre l’Algérie et les pays du Sahel, en versant à cet effet une enveloppe de 15 millions de dollars au Maroc.
Lire aussi : Vent de panique à Alger suite aux accords signés entre le Maroc et les Émirats arabes unis
Or, c’est l’appel royal, en novembre dernier, en faveur du désenclavement des pays du Sahel et leur accès à l’Atlantique qui a créé cette panique au sein du régime algérien, au point de le faire délirer à travers ses médias. Cela n’a pas empêché ces pays de tenir, le mois dernier à Marrakech, une réunion au niveau des ministres des Affaires étrangères, qui a coïncidé avec la présence à Alger de nombreux opposants maliens, dont l’un a été reçu par le président Tebboune, conduisant à une crise diplomatique avec Bamako et le rappel des ambassadeurs des deux pays pour consultations.
Cette crise intervient dans le sillage de l’enterrement définitif par l’actuel pouvoir malien de l’Accord d’Alger de 2015, un accord que l’Algérie a régulièrement utilisé comme alibi pour s’immiscer outrageusement dans les affaires intérieures du Mali.
Il n’est pas exclu que l’acquisition par Bamako, le 4 janvier courant, d’une vingtaine de drones de fabrication turque soit attribuée par Alger aux Émirats arabes unis, accusés d’engager «d’importantes sommes d’argent pour cibler la sécurité de l’Algérie».